Pourquoi la chute de Pokrovsk serait importante pour l'Ukraine et la Russie

L'Ukraine pourrait être confrontée à sa plus grande perte depuis des mois si la ville clé de Pokrovsk, dans l'est du pays, tombe aux mains des forces russes. La bataille pour ce point stratégique situé sur une grande artère routière et ferroviaire de la région de Donetsk dure depuis plus d'un an.

Si Vladimir Poutine parvenait à remporter la victoire dans cette région, trois ans et dix mois après le début de la guerre, il se rapprocherait de son objectif de contrôler l'ensemble de l'est industriel de l'Ukraine, le Donbas, composé des régions voisines de Donetsk et de Louhansk.

Les affirmations et les contre-affirmations abondent, il est donc difficile de se prononcer. Mais nous savons que la Russie a rassemblé des dizaines de milliers de soldats dans la région et que des centaines d'entre eux se sont infiltrés dans la ville au cours des dernières semaines, s'emparant progressivement des bâtiments et des rues et submergeant les positions ukrainiennes.

Mercredi, Kiev a démenti l'encerclement de ses forces dans et autour de la ville et a maintenu qu'elles étaient toujours engagées dans une "résistance active" et qu'elles bloquaient les troupes russes. Un régiment ukrainien a déclaré avoir libéré le bâtiment du conseil municipal et a publié une vidéo avec le drapeau ukrainien.

Toutefois, les cartes des services de renseignement de source ouverte indiquent que les troupes de Moscou occupent probablement de vastes zones de Pokrovsk.

Alors que la position officielle de l'Ukraine est qu'elle tient bon face à la Russie, des militaires cités par un correspondant de guerre du site web ukrainien Hromadske ont déclaré que les troupes ukrainiennes étaient en infériorité numérique et que plus d'un millier de soldats risquaient d'être encerclés.

Pour sa part, la Russie a déclaré qu'elle continuait à avancer vers le nord et à contrecarrer les tentatives de l'Ukraine de sortir ses troupes de l'encerclement. Les unités ukrainiennes sont prises au piège dans des "chaudrons", a déclaré le ministère de la défense, bien que plusieurs commentateurs aient affirmé que ce n'était pas le cas.

L'armée russe vise Pokrovsk depuis qu'elle s'est emparée de la ville d'Avdiivka, dans l'est du pays, en février 2024.

Sa capture a privé l'Ukraine d'un important bastion militaire dans la région de Donetsk, mais il a fallu 21 mois à la Russie pour avancer d'environ 40 km au nord-ouest.

En s'emparant de Pokrovsk, Vladimir Poutine se rapprocherait de son objectif d'occuper l'ensemble du Donbas, même si la progression de la Russie a été extrêmement lente cette année.

Si Pokrovsk tombe, la défense de sa ville satellite de Myrnohrad devient presque intenable et les troupes russes pourraient alors se concentrer sur la bataille pour Kostyantynivka au nord-est et le reste des villes dites de la "ceinture de forteresses" de Druzhkivka, Kramatorsk et Slovyansk.

Toutefois, l'Ukraine disposait encore de lignes de défense sur lesquelles se replier et pouvait réinitialiser sa défense, a déclaré l'analyste Michael Kofman du Carnegie Endowment for International Peace (Fondation Carnegie pour la paix internationale). "Les forces russes manquent d'élan et la façon dont elles ont combattu ne le générera pas", a-t-il écrit sur X. "L'infiltration permet une offensive rampante, mais ne peut pas donner lieu à des percées significatives sur le plan opérationnel".

Pokrovsk est aujourd'hui en grande partie déserte, mais elle a joué un rôle stratégique important pour l'armée ukrainienne lors de l'invasion totale.

Avant la guerre, la ville comptait quelque 60 000 habitants et se trouvait à proximité de la seule mine ukrainienne produisant du charbon à coke, indispensable à l'industrie sidérurgique. Mais il n'y a plus de production de charbon depuis le début de l'année, lorsque la ville a commencé à être évacuée.

Pokrovsk est surtout un nœud routier et ferroviaire essentiel à l'est, et sa perte pourrait permettre aux forces russes d'avancer dans la région de Dnipropetrovsk, plus centrale.

Les forces russes se rapprochent déjà de la route principale menant à Pavlohrad et Dnipro et, au sud-ouest, elles ont progressé près de la frontière entre Donetsk et Dnipropetrovsk. Une autre grande route mène à Zaporizhzhia, la capitale d'une autre région assiégée revendiquée par la Russie.

Poutine aurait exigé la restitution de l'ensemble de Donetsk comme condition à la fin de la guerre.

Mais même si Pokrovsk tombe, cela ne signifie pas que le reste de Donetsk tombera aussi.

L'Ukrainien Volodymyr Zelensky insiste depuis longtemps sur le fait que l'armée russe devra continuer à se battre pendant plusieurs années encore si elle veut avoir une chance d'occuper complètement l'ensemble du Donbas.

Il n'est pas le seul. L'Institute for the Study of War estime que la Russie n'a aucun moyen "d'envelopper ou de pénétrer rapidement la ceinture de forteresses" et que cela prendrait probablement plusieurs années.

Mais la perte de Pokrovsk serait un coup dur pour le moral des Ukrainiens au début d'un hiver marqué par les attaques russes contre les sources d'énergie. Cela représenterait également un coût important en termes de main-d'œuvre, de ressources et d'équipements engagés dans la défense de la ville.

Cela pourrait également influencer les efforts du président américain Donald Trump pour mettre fin à la guerre et renforcer la position de négociation de Moscou, en prouvant à Trump que la Russie n'est pas le "tigre de papier" qu'il a dit qu'elle était au début de l'automne.

Bien qu'il ait renoncé à organiser un sommet avec M. Poutine, frustré par le refus du dirigeant russe d'accepter un cessez-le-feu, les responsables russes n'ont pas perdu tout espoir de parvenir à un accord.

Poutine espère peut-être qu'un succès russe convaincra Trump d'accepter ses exigences, même si l'Ukraine et ses alliés européens les rejettent.