L'Espagne est la deuxième destination touristique mondiale, juste après la France, et vise à la dépasser. Malgré un riche patrimoine, elle n'a pas encore de monument emblématique représentant son identité, contrairement à la France avec la tour Eiffel, aux États-Unis avec la statue de la Liberté ou au Royaume-Uni avec Big Ben.
Pour combler ce manque, l'Académie espagnole de tauromachie, lancée en 2023 pour soutenir la corrida, a révélé un projet spectaculaire : un taureau métallique de 300 mètres. Ses cornes deviendraient des belvédères avec vue panoramique, et ses pattes abriteraient des commerces ainsi qu'un parc à thème sur la culture espagnole.
Madrid a refusé pour l'instant d'accueillir ce projet, mais les porteurs espèrent convaincre d'autres villes. Des communes de Castille-et-León, au nord, ou de Castille-La Manche, au sud, sont envisagées. Aucune étude technique, financière ou environnementale n'a été menée à ce jour.
La hauteur de 300 mètres n'est pas un hasard. Elle vise à concurrencer directement la tour Eiffel (312 mètres) et à réduire l'écart de fréquentation touristique avec la France.
« Pourquoi ne pas construire plutôt une grande poêle à paella ? »
Une incertitude demeure : un monument célébrant la tauromachie peut-il vraiment attirer les touristes ? En Espagne, cette pratique divise profondément. D'après les derniers sondages, 77% des Espagnols y sont opposés. Des associations de défense animale dénoncent régulièrement sa cruauté, et son image internationale reste controversée.
Le projet de taureau géant ne fait pas consensus. Dans « Le Figaro », le critique d'art Fernando Castro Florez s'exprime clairement : « Le taureau ne rassemble plus. Si on veut une icône touristique, mieux vaut bâtir une énorme poêle à paella ou une carafe de sangria monumentale ».
L'histoire rappelle cependant que des projets décriés peuvent devenir célèbres. La tour Eiffel a aussi suscité des oppositions. En février 1887, dans « Le Temps », Guy de Maupassant, Alexandre Dumas fils et Charles Garnier la décrivaient comme « inutile et monstrueuse ». Pourtant, inaugurée deux ans plus tard, elle attire désormais plus de 6 millions de visiteurs par an.
Reste que l’histoire offre des exemples célèbres de projets conspués avant de devenir cultes. À son époque, la tour Eiffel avait, elle aussi, suscité une levée de boucliers. En février 1887, une tribune signée par Guy de Maupassant, Alexandre Dumas fils et l’architecte Charles Garnier dénonçait dans «Le Temps» «l’inutile et monstrueuse tour Eiffel». Elle fut pourtant inaugurée deux ans plus tard, et accueille aujourd’hui plus de 6 millions de visiteurs par an.