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Sarkozy publie ses journaux de prison sur 20 jours derrière les barreaux

Sarkozy publie ses journaux de prison sur 20 jours derrière les barreaux
L'ancien président français a écrit sur sa brève incarcération pour association de malfaiteurs

Sorti en moins de trois semaines, le nouveau livre de Nicolas Sarkozy, "Le journal d'un prisonnier", ne manque pas de couleurs sur la vie d'un ancien président qui se retrouve dans le quartier d'isolement d'une prison française.

Nous apprenons que le prisonnier numéro 320535 disposait d'une cellule de 12 mètres carrés, équipée d'un lit, d'un bureau, d'un réfrigérateur, d'une douche et d'une télévision. Il y avait une fenêtre, mais la vue était bloquée par un énorme panneau de plastique placé à l'extérieur.

"C'était propre et assez clair", écrit M. Sarkozy. "On aurait presque pu se croire dans un hôtel bas de gamme, s'il n'y avait pas eu la porte blindée avec un œilleton pour que les gardiens de prison puissent regarder à travers".

M. Sarkozy, âgé de 70 ans, a été libéré le mois dernier de la prison de la Santé, à Paris, après avoir purgé 20 jours d'une peine de cinq ans d'emprisonnement pour avoir participé à un complot visant à financer une campagne électorale. Voici ses mémoires de 216 pages.

Informé qu'il devrait passer 23 heures sur 24 dans sa chambre - et que tout contact avec une personne autre qu'un employé de la prison était interdit - l'ancien président a choisi de ne pas prendre l'option d'une promenade quotidienne dans la cour, "qui ressemble plus à une cage qu'à un lieu de promenade".

Au lieu de cela, il fait ses exercices quotidiens sur une machine à courir dans la minuscule salle de sport, qui "est devenue - dans ma situation - une véritable oasis".

Les médias se sont pressés à la séance de dédicace du livre de M. Sarkozy dans le centre de Paris, mercredi.
Les médias se sont pressés à la séance de dédicace du livre de M. Sarkozy dans le centre de Paris, mercredi.

Il y en a beaucoup d'autres comme celle-ci : comment il a été empêché de dormir la première nuit par un voisin de l'aile d'isolement qui chantait une chanson du Roi Lion et faisait claquer sa cuillère le long des barreaux de sa cellule.

Il a été "touché par la gentillesse, la délicatesse et le respect du personnel de la prison... dont chacun s'est adressé à moi en m'appelant Président".

Et comment il a pu recouvrir les murs de sa cellule de cartes postales de toutes les personnes qui lui écrivaient pour lui exprimer leur soutien.

"Touchant et sincère, il témoignait d'un lien personnel profond alors que j'avais quitté mes fonctions depuis si longtemps", écrit-il.

Les détails fascinent. Les réflexions sur le destin, la justice et la politique sont peut-être plus importantes.

M. Sarkozy a été envoyé en prison après qu'un tribunal l'a reconnu coupable d'association de malfaiteurs pour avoir permis à ses subordonnés de tenter de collecter des fonds électoraux auprès du colonel libyen Kadhafi, il y a 20 ans.

À la fin du procès, en octobre, le juge - qui aurait pu permettre à M. Sarkozy de rester en liberté dans l'attente de son appel - a décidé qu'il devait être incarcéré. Trois semaines après son incarcération, il a été autorisé à sortir à la suite d'une requête de ses avocats.

L'ancien président nie fermement les accusations portées contre lui et affirme être la victime d'une cabale politique au sein du système judiciaire français.

Tout cela est répété dans le livre. En effet, à un moment donné, Sarkozy se compare à la plus célèbre victime de la justice française, Alfred Dreyfus - l'officier juif qui a été envoyé sur l'île du Diable pour une fausse accusation d'espionnage.

"Pour tout observateur impartial qui connaît leur histoire, les similitudes sont frappantes", écrit-il.

"L'affaire Dreyfus est née de faux documents. Dreyfus a été dégradé devant les troupes, qui lui ont retiré ses décorations. J'ai été radié de la Légion d'honneur, devant toute la nation.

"Et Dreyfus fut emprisonné à la Santé - un lieu que je connais bien maintenant", écrit-il.

L'ancien président français a dédicacé des exemplaires de son journal de prison à la librairie Lamartine.
L'ancien président français a dédicacé des exemplaires de son journal de prison à la librairie Lamartine.

La révocation de M. Sarkozy de la Légion d'honneur - dont il avait été le grand maître en tant que président - est l'occasion de régler les comptes dans le livre avec l'actuel président français Emmanuel Macron.

Après avoir été un proche soutien de Macron, M. Sarkozy affirme aujourd'hui qu'il a "tourné la page", sans aller jusqu'à s'opposer systématiquement à sa politique ou à sa personne.

"Emmanuel Macron a déjà trop d'ennemis déclarés, de vilipendeurs et d'amis déçus pour que j'en rajoute."

M. Sarkozy reproche à M. Macron de n'avoir jamais eu le "courage" de l'appeler en personne pour lui expliquer les raisons de son renvoi de la Légion. "S'il avait téléphoné, j'aurais compris ses arguments et accepté la décision", écrit-il. "Le fait qu'il ne l'ait pas fait montre que ses motivations étaient pour le moins insincères.

Mais ce sont les relations de M. Sarkozy avec une autre dirigeante politique - Marine Le Pen - qui ont le plus attiré l'attention des critiques du livre en France. Cela s'explique par l'affection inattendue que l'ancien président manifeste à l'égard de son ancienne rivale.

"J'ai apprécié les déclarations publiques qu'elle a faites à la suite de ma condamnation, qui étaient courageuses et totalement dépourvues d'ambiguïté", écrit-il.

M. Sarkozy lui a téléphoné pour la remercier et il affirme qu'ils ont eu une conversation amicale, à l'issue de laquelle il s'est engagé à ne pas participer à un futur "front républicain" destiné à empêcher son Rassemblement national de remporter une élection.

Plus loin, il poursuit : "Insulter les dirigeants du RN, c'est insulter leurs électeurs, c'est-à-dire des gens qui sont potentiellement nos électeurs.

"J'ai beaucoup de divergences avec les dirigeants du RN... Mais les exclure du giron républicain serait une erreur".

Il est rare que Marine Le Pen et son jeune coleader Jordan Bardella reçoivent de telles accolades de la part du grand public.

Venant d'un ancien président qui jouit encore d'une grande influence au sein de la droite française traditionnelle, ces mots sont comme de la poudre d'or politique.