Le Premier ministre français Sébastien Lecornu est confronté à un test crucial mardi, alors que le parlement divisé du pays se prépare à voter sur un projet de loi de finances pour 2026.
Si M. Lecornu ne parvient pas à obtenir une majorité à l'Assemblée nationale pour son budget de la sécurité sociale, cela augure mal du projet de loi de finances principal qui suit et qui doit être voté avant la fin de l'année.
Cela pourrait également poser des questions embarrassantes sur son autorité à diriger le gouvernement, bien que pour l'instant il y ait peu de chances qu'il démissionne.
Nommé en septembre par le président Emmanuel Macron, M. Lecornu s'est consacré exclusivement à la tâche ardue de faire passer la législation sur le budget 2026 par les deux chambres du Parlement.
Depuis les élections anticipées convoquées par Macron en juin 2024, la chambre la plus puissante, l'Assemblée nationale, est divisée en trois blocs à peu près égaux - le centre, la gauche et l'extrême droite - dont aucun n'est capable de commander une majorité.
M. Lecornu est le quatrième premier ministre de M. Macron depuis cette date, les deux précédents, Michel Barnier et François Bayrou, ayant tous deux été contraints de démissionner après avoir tenté de maîtriser la dette croissante de la France. Michel Barnier a démissionné il y a exactement un an, après avoir échoué à faire adopter le budget 2025 de la sécurité sociale.
Dans le système français, il existe deux lois budgétaires : l'une qui permet de collecter et d'affecter des fonds au système de sécurité sociale, y compris les hôpitaux et les pensions, et l'autre qui couvre tout le reste, de la défense à l'éducation. Depuis des années, ces deux lois enregistrent des déficits massifs.
Largement reconnu pour sa discrétion et sa diligence, M. Lecornu doit convaincre suffisamment de députés des 11 différents groupes parlementaires qu'un refus de voter les budgets plongera le pays dans une morosité financière encore plus profonde.
Sa principale cible a été le Parti socialiste (PS), qui compte environ 70 députés, dont beaucoup sont mal à l'aise dans leur ancienne alliance électorale avec le parti d'extrême gauche "La France insoumise".
Parmi les principales concessions faites au PS, M. Lecornu a promis de suspendre la réforme clé du second mandat de M. Macron, à savoir l'augmentation de l'âge légal de la retraite à 64 ans, et de s'abstenir d'utiliser un pouvoir gouvernemental (connu sous le nom de 49-3) pour faire passer en force les lois budgétaires sans vote.
Les dirigeants socialistes Olivier Faure et Boris Vallaud ont salué le sens du compromis de M. Lecornu et invitent leurs députés à soutenir le budget de la sécurité sociale.
Mais en cédant du terrain au centre-gauche, M. Lecornu a potentiellement perdu du soutien dans son propre camp du centre-droit, où des personnalités importantes telles que l'ancien Premier ministre Edouard Philippe affirment que le projet de loi ne fera pas grand-chose pour redresser les comptes publics du pays, qui se détériorent rapidement.
Le vote de mardi s'annonçait très serré, le Rassemblement national d'extrême droite et ses alliés (environ 140 députés) et la France insoumise d'extrême gauche (71) devant tous deux voter contre, de même que les écologistes et les communistes (55 au total). La majorité dans une chambre pleine est de 288 députés.
M. Lecornu espère rallier certains membres de la gauche en promettant d'augmenter les dépenses consacrées aux hôpitaux. Il espère également que l'opposition au sein de son propre camp se limitera à des abstentions plutôt qu'à des votes contre.
Si le budget de la sécurité sociale n'est pas adopté, il est presque certain que le budget principal pour 2026 ne le sera pas non plus. En conséquence, le gouvernement introduira probablement une loi spéciale pour permettre à l'administration publique de continuer à fonctionner à partir du 1er janvier en utilisant les allocations de 2025.
Bien qu'il s'agisse d'un coup dur pour M. Lecornu et ses méthodes politiques discrètes, peu de gens s'attendent à ce qu'il se retire immédiatement dans un tel scénario.
En renonçant volontairement à l'utilisation du 49-3, le premier ministre a en effet donné aux députés la possibilité d'amender à leur guise le texte du budget du gouvernement. Si le texte échoue, calcule-t-il, la faute en incombera principalement aux chefs de file du Parlement.