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De l'ancien président au futur prisonnier : La condamnation de Sarkozy

De l'ancien président au futur prisonnier : La condamnation de Sarkozy
L'ancien président de la République française, Nicolas Sarkozy, a été condamné à cinq ans de prison.

Nicolas Sarkozy est de retour comme avant : il domine l'actualité et divise la nation.

Treize ans après avoir quitté le pouvoir, il est sur le point de devenir le premier ancien président français à être envoyé en prison.

Et les circonstances sont pleines de la même contestation sulfureuse qui marquait autrefois ses moindres faits et gestes.

A peine sorti de sa condamnation dans le procès de "l'argent libyen", jeudi, il a évoqué avec une rage incandescente la "haine sans limite" dont il se dit toujours victime.

Depuis qu'il est apparu comme le champion de la droite, M. Sarkozy est convaincu d'être la cible d'une cabale de gauche au sein de la justice et des médias français.

Et cette phrase - pense-t-il - a apporté une preuve supplémentaire incontestable.

Pourquoi, demandent ses partisans, le tribunal l'a-t-il blanchi de trois des quatre chefs d'accusation retenus contre lui : financement illégal de parti, détournement de fonds libyens et corruption ?

Pourquoi le tribunal ne l'a-t-il condamné que pour le dernier chef d'accusation, celui, "fourre-tout", d'"association criminelle" (souvent retenu contre des membres de gangs de trafiquants de drogue lorsque les enquêteurs n'ont rien d'autre à se mettre sous la dent) ?

Et pourquoi, après l'avoir condamné pour ce chef d'accusation mineur, le tribunal lui a-t-il infligé une peine aussi humiliante et draconienne ? Non seulement ils ont condamné un homme de 70 ans à cinq ans de prison, mais ils l'ont fait 20 ans après les faits, ce qui est choquant.

Ils ont également stipulé que la condamnation n'était pas "suspensive" - en d'autres termes, ils ont dit qu'il irait en prison même s'il interjetait appel, alors qu'en droit français, dans l'attente d'un appel, il est en théorie toujours innocent.

Alors que l'on pensait que les anciennes passions pour et contre l'homme commençaient à s'estomper, elles reviennent soudain en force.

Nombreux sont ceux qui éprouveront une certaine sympathie à l'égard de M. Sarkozy - sans nécessairement penser qu'il est totalement innocent dans cette affaire de recherche d'argent pour la campagne libyenne.

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Mais ils verront une part de vérité dans ses allégations de victimisation : il y a en effet certains membres de l'establishment "politico-médiatico-judiciaire" de Paris qui détestent l'ancien président et se réjouissent de le faire tomber.

Mais si l'on regarde les choses d'un autre œil, on s'aperçoit que Sarkozy n'est pas un ex-chef d'État dur à cuire, mais un opérateur politique égoïste et très influent qui a toujours poussé la loi dans ses derniers retranchements pour arriver à ses fins.

Sinon, pourquoi y aurait-il une telle litanie de procès contre lui ? Sinon, pourquoi Sarkozy aurait-il déjà été condamné pour deux autres chefs d'accusation de corruption - une fois pour tentative de subornation de juge, et une autre fois pour financement illégal de campagne électorale ?

Et si la Cour a décidé de l'inculper dans l'affaire libyenne, c'est peut-être parce que l'accusation d'avoir tenté d'obtenir des fonds électoraux auprès d'un dictateur étranger est en fait assez grave.

Tout cela est d'actualité, car même si M. Sarkozy n'est plus le personnage influent que certains prétendent qu'il est, les arguments relatifs à cette affaire résonnent dans la salle des ruines qu'est la politique française.

La droite et l'extrême droite prennent fait et cause pour lui, dénonçant les excès judiciaires de la gauche. Marine Le Pen, elle-même interdite de candidature à la présidence en raison d'une clause de non-suspension dans sa propre condamnation au début de l'année, a été la première à dénoncer l'"injustice".

La gauche n'y voit qu'une preuve supplémentaire des privilèges des hommes riches - les puissants devenant encore plus puissants en ignorant allègrement la loi.

Nicolas Sarkozy a quitté le pouvoir depuis longtemps et il n'est pas question qu'il y revienne. C'est une figure du passé. Mais son cas met à nu les divisions d'un pays très divisé.