L'an dernier, quand le quadruple vainqueur du Tour de France était devenu champion du monde pour la première fois de sa carrière après une fugue de 100 kilomètres autour de Zurich, tout le monde avait crié à la folie ou au génie, à choix. Cette fois, «Pogi» a pris la poudre d'escampette dans les dernières rampes du Mont Kigali, dont le sommet était posé à 103 bornes de la ligne d'arrivée. Et il l'a encore fait. Hallucinant!
Tadej Pogacar a toutefois pu compter sur le concours de deux «coéquipiers» dans sa tentative lointaine. Quand le Slovène a attaqué, il a pris sur son porte-bagages le Mexicain Isaac del Toro et l'Espagnol Juan Ayuso. Le second a très vite compris qu'il n'aurait pas les jambes. Le premier a accompagné celui qui est son leader toute l'année au sein du Team UAE jusqu'à 66 km de l'arrivée. Pogacar a fait le reste tout seul.
Ce n'était un secret pour personne, le seul coureur à même de potentiellement jouer le titre contre ce nouveau «Cannibale» au Rwanda était Remco Evenepoel. Le Belge, qui avait humilié Pogacar la semaine précédente en lui mettant plus de deux minutes et demie sur le contre-la-montre, a d'abord craqué sur les rampes du Mont Kigali, avant de devoir changer de vélo à deux reprises… L'ancien joueur d'Anderlecht n'a toutefois rien lâché et a réussi à s’offrir l’argent en solo à un peu moins d’une minute et demie. Derrière, l’Irlandais Ben Healy est allé chercher le bronze au courage (à 2’16) face au Danois Mattias Skjelmose (à 2’53).
Les autres favoris? Dégoûtés les uns après les autres par la difficulté du parcours, les plus de trente montées au programme, la chaleur, l'humidité et surtout la nouvelle prestation stupéfiante du coureur né à Ljubljana. Isaac del Toro et Juay Ayuso qui ont tenté de le suivre? Ils ont explosé comme du pop-corn. Tom Pidcock? Usé jusqu'à la corde. Giulio Ciccone et Pavel Sivakov? Écrasés par la longueur et l’exigence de ce Mondial. Moins de trente coureurs ont été classés.
Du côté suisse, Jan Christen (encore un coureur UAE...) a failli accrocher le bon wagon à plus de cent kilomètres de l'arrivée. Mais l'Argovien a lâché, avant... de ne rien lâcher jusqu'au bout. Celui qui était le deuxième plus jeune coureur au départ a été le seul élément de Swiss Cycling à peser sur la course.
Ce premier Mondial de l'histoire à être couru sur des routes africaines a comme prévu été fou du début à la fin. Et le début, c'était très tôt! La France, notamment, a tenté de dynamiter l'épreuve à plus de 250 kilomètres de l'arrivée. Les Bleus ont placé Julien Bernard à l'avant, mais quelques-uns de ses coéquipiers, dont le phénomène de précocité Paul Seixas a aussi tenté de prendre d’entrée la poudre d'escampette. Le retour de bâton a été assez terrible: Julian Alaphilippe a vite abandonné, comme son compatriote Louis Barré.
Une épidémie d'intoxications alimentaires semble avoir contaminé une bonne partie du peloton et une trentaine de cyclistes avaient déjà renoncé après 100 bornes, 52 à la mi-course et une bonne septantaine à 50 bornes de la ligne. Mais il y a aussi eu des chutes, qui ont notamment éliminé l'Espagnol Marc Soler et le belge Ilan Van Wilder, en bronze sur le contre-la-montre une semaine auparavant. La Suisse, elle, avait placé le solide Fabio Christen à l'avant, histoire de faire travailler les autres. A cent kilomètres de l'arrivée, tous ces plans tactiques ont encore une fois volé en éclats par le fait d’un seul homme.